DISPARITION D’OLIVIER FERRAND : UNE PERTE POUR LA DÉMOCRATIE

« Il était l'un de ces talents dont la République pouvait s'enorgueillir, et dont l'avenir était plein de promesses. Sa voix manquera à l'Assemblée nationale », a déclaré François Hollande.

Marié et père d'une fille de 12 ans, Olivier Ferrand est malheureusement décédé samedi matin, à la suite d’un arrêt cardiaque, au retour d’un jogging. C’est sa mère qui l’a découvert. Les pompiers n’ont pas réussi à le ranimer.

Olivier Ferrand avait été conseiller technique pour les affaires européennes de Lionel Jospin à Matignon (1997-2002) avec qui il avait conservé des liens étroits. Il a aussi été le conseiller de Romano Prodi, Pierre Moscovici et Dominique Strauss-Kahn. Il avait cette position particulière et assez unique d’être très proche des responsables politiques et le centre d’une réflexion autonome et indépendante. Il avait décidé que ce n’était pas dans les jeux d’appareil qu’il voulait construire sa légitimité et mis toute son énergie ailleurs, dans les idées.

Animateur du laboratoire à idées du PS au travers du « think tank »* Terra Nova, promoteur des primaires citoyennes lors de la dernière présidentielle, ce jeune énarque de 42 ans voulait, avec son premier mandat législatif, passer de l'ombre des conseillers à la lumière de l'action politique.

Après un parachutage raté lors des législative de 2007 dans les Pyrénées-Orientales, il venait d'être élu dans la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône d’où il était originaire. Une circonscription où le Front national était arrivé en deuxième position derrière Nicolas Sarkozy au premier tour de la présidentielle.

Olivier Ferrand assumait son influence parisienne, affirmant apporter « la capacité de défendre les dossiers au national » via ses nombreux contacts. Des contacts qu'il avait ainsi sollicité pour faire venir en réunions publiques Jacques Attali, Martin Hirsch, Rama Yade ou Hubert Védrine, dans le cadre d'un collectif créé avec Europe Ecologie Les Verts (EELV). Il a renversé peu à peu son image de parachuté, en multipliant aussi les actions de porte-à-porte. Son mentor, Lionel Jospin, était aussi venu le soutenir pendant la campagne.

« Il avait fait une campagne longue et rude, il était intervenu partout dans les médias ou ailleurs: est-ce la fatigue accumulée ? », s’est interrogé son suppléant, maire de Velaux, qui ne connaissait pas d’antécédents cardiaques à cet adepte de voile, ski, tennis et, plus récemment, le marathon. « Il roulait à 100 à l'heure, dormait peu, bossait beaucoup », a-t-il ajouté, rappelant les « courses à pied » auxquelles le futur élu avait continué à participer pendant la campagne.

Olivier Ferrand était convaincu que c'était par les idées que la gauche retrouverait la confiance des Français. Il en a défriché beaucoup qui sont au coeur du débat public et inspirent le projet politique des socialistes. Diplômé de Sciences Po, HEC et de l'ENA, il avait créé en 2008 Terra Nova, un laboratoire d'idées proche du PS qui agrège un millier d'experts et a produit une trentaine d'essais.

Ce « think tank » a été critiqué pour avoir conseillé au parti socialiste de se tourner davantage vers les jeunes, les femmes, les diplômés et les minorités, constatant un "divorce" entre la gauche et la classe ouvrière. "Pour nous, expliquait Olivier Ferrand, l'élargissement est plus facile à faire en direction des classes moyennes, car c'est un électorat qui apparaît aujourd'hui plus mobile que ne le sont les classes populaires, qui ont davantage basculé vers la droite." Mais "pour toucher les classes moyennes, la gauche a du travail à faire, notamment sur la fiscalité", reconnaissait le président de Terra Nova, qui pointait l'attachement de ces catégories aux valeurs d'épargne.

* Un think tank ou laboratoire d'idées1 est une institution de droit privé, en principe indépendante des partis, à but non lucratif, regroupant des experts et qui produit des études et des propositions dans le domaine des politiques publiques.